Jour 9
Aloha, Big Island
Nous traversons une dernière fois les routes sinueuses de Kaua’i avant l’aube. Une étrange combinaison de mélancolie et de satisfaction. Nous allons découvrir un nouveau bout du monde, repoussant les frontières de notre terra incognita, mais cette nouvelle aventure signifie quitter un lieu qui semble maintenant être … « chez nous ». Les légendes sont peut-être vraies.
Nous embarquons sur le HA 110 de 7h00 pour Honolulu. Un court vol de trente minutes, rapidement suivi par le HA 120, un saut de 43 minutes jusqu’à Kona, Big Island.
L’aéroport de Lihu’e n’avait pas de fenêtres, celui de Kailua-Kona est encore plus ouvert. Nous descendons de l’avion, traversons le tarmac, et rejoignons la porte d’embarquement, qui est une sorte d’arche. Les portes sont arrangées en cercle autour d’une place dominée par les statues de trois danseuses de hula, passant aux voyageurs un Aloha chaleureux.
Aloha !
Aloha!
Nous prenons la navette pour aller récupérer notre voiture de location. La Chevvy que nous devions avoir n’est pas encore rentrée, et nous sommes surclassés vers un coupé. Déception. La petite manœuvrable était taillée pour l’exploration.
Oh. L’autoroute est large ici. Les premiers signes de civilisation que l’on croise proviennent d’une gigantesque zone commerciale. Étrange sensation. Tout ressemble à ce que l’on a « à la maison ». La vraie. La ville. Les larges centres commerciaux, l’espace terrassé vide inutilisé. Là où Kaua’i semblait être constituée de petite communautés propres et rangées, en communion avec l’environnement, Big Island se montre plus carrée et faite de béton, de constructions étandant leur masse obèse sur la roche de lave.
Cela n’a pas l’air exotique. Presque trop familier.
Oups. J’ai presque oublié … Quelle est la première chose que l’on fait quand on récupère une voiture de location ? Allumer la radio et trouver une station locale diffusant du bon son. Ici, à Hawaii, la meilleure est Kapaa Radio, 93.5 FM.
La première impression légèrement amère se meurt, et nous avançons vers un arrêt impératif : le petit-déjeuner ! Notre dernier repas était sur une autre île, sur ce qui semble déjà être un rêve.
Kealakekua
Nous garons la voiture devant Standard Bakery, à Kealakekua. Quel nom. Tanya commande un mélange de choses appétissantes, et nous montons une petite allée pour manger sur un petit mur de ciment.
La nourriture est délicieuse, et les fourmis passant tout près semblent l’apprécier également. Nous les observons travailler en unisson pour un moment, alors que je raconte ce qui me revient en mémoire du livre « Les Fourmis », de Bernard Werber. Histoires fantastiques.
Un œil sur Standard Bakery. Simple et bon !
Nous visitons et découvrons les antiquaires et « friperies » de Kealakekua, et descendons en voiture vers l’Océan, Manini Beach, Napoopoo Park et Kealakekua Bay. Ici, une place simple mais exceptionnelle. Petit parc, palmiers, verdure, et un front d’eau fait de … corail et roche de lave. Une plage en blanc et noir. D’une telle beauté.
Un peu de lecture et quelques étirements dans le parc.
Noir et Blanc. Lave et Corail.
Le Soleil nous indique qu’il est temps de reprendre la route.
Thés bienfaisants, bananes fraiches, eau froide … un self-service sur la route.
Avant de rencontrer notre premier hôte Couchsurfing sur Big Island, un dîner s’impose. La liste que j’avais préparée a un nom pour cela : Kaaloa’s Super J’s. Une cuisine ouverte sur quelques tables, deux hommes âgés préparant des feuilles peuvent être aperçus par l’entrebâillement d’une porte. Le menu est court, et les moyens de paiement acceptés par la maison intéressants : liquide, chèque, ou PayPal. Deux options de repas sont disponibles ce soir, et nous nous devons de les essayer : « Porc Kalua et Chou » et « Poulet Laulau ». Divin. Nous laissons des assiettes propres et un pourboire cinq-étoiles.
Porc Kalua et Chou
Poulet Laulau
Nous arrivons à Ocean View à la tombée de la nuit. L’autoroute quitte son écrin vert pour entrer dans un désert noir et désolé. C’est notre destination. La communauté d’Ocean View a été construite sur une coulée de lave historiquement récente (la dernière a été recensée en 1907) descendue du Mauna Loa vers les vagues de l’Océan. Une grille routière a été construite dessus, et les terrains vendus, bulldozés à plat, et construits. Une région vraiment intéressante.
Billy (William) nous rejoint après son travail et nous descendons jusqu’à chez lui. L’homme est entre l’ingénieur-génie et le scientifique fou. La maison appartient à un de ses amis, et puisque les cables électriques de cuivre ont été volés avant qu’il emménage, l’endroit est en dehors du réseau. Il a installé lui-même des panneaux solaires sur le toît, et créé une centrale de stockage électrique à partir de circuits imprimés, câbles, et … batteries de voiture. Et cela fonctionne suffisamment bien pour fournir l’habitation en un stable 110V jour et nuit. Oui. Scientifique fou et ingénieur.
Nous avons de longues conversations intéressantes durant la soirée, avant de monter sur la mezzanine pour trouver le sommeil.
Arc-en-ciel de coucher de Soleil
Bonne nuit
Jour 10
Exploration du Sud
Premier réveil sur Big Island. Bonjour Soleil !
Nous avons quelques endroits à visiter dans les environs avant de continuer dans l’Est de l’île.
Naalehu
Quelques demi-tours pour sortir du labyrinthe qu’est Ocean View (retournez sur la carte au-dessus et zoomez où le nom d’Ocean View est, vous verrez. Quelques-unes de ces routes sont en sens-unique, ou des culs-de-sac …), et nous arrivons à Naalehu, Punalu’u Bake Shop pour notre petit-déjeuner. L’adresse était notée dans notre Lonely Planet, mais nous le recommanderions pas pour autant. Ils sont réputés pour leurs pains et patisseries colorées … mais cette fantaisie vient surtout de colorants et d’arômes. Nous nous replions sur du sucré non-coloré.
Retour sur la route, nous passons la « pointe » de l’île et remontons vers le Nord. La vue est sublime. La beauté de Big Island réside dans ses paysages contrastés. Le matin, vos yeux ne voient que du noir de la roche de lave, l’après-midi ils se régalent de vert et bleu. Éblouissant.
Descendant Mamalahoa Highway vers la côte Est de Big Island.
Punalu’u Black Sand Beach
Nous arrivons à Punalu’u Black Sand Beach, une des plages de sable noir peu touristique, et baie prisée pour la plongée libre. Billy nous a prêté deux paires de masques et tubas, et nous avons grande hâte d’explorer ce monde sous-marin. C’est une grande première pour Tetyana qui n’a jamais fait de plongée avant, et l’endroit est parfait et spécial pour une telle découverte ! L’eau est tiède, les vagues douces, et le courant amical.
Première plage de sable noir pour Tanya !
Première plongée !
Nous passons un bon moment dans l’eau, et je décide de sortir me reposer quand quelque chose heurte ma jambe droite sous l’eau. Je démarre la GoPro et plonge. Aloha Tortue !
Tortue ! Tu m’es rentrée dedans !
L’avant-dernier arrêt de la journée nous fait découvrir Whittington Beach Park et Honu’apo Bay, pour un goûter rapide et plus de vues naturelles stupéfiantes. La beauté d’Hawaii est un délice pour les yeux et l’âme.
South Point
La dernière découverte de la journée est South Point, la pointe Sud de l’île. Sa position géographique en fait le bout de terre le plus au Sud des 50 États-Unis. Ce point angulaire entre dans l’Océan et le coupe, créant de forts courants marins venant de l’Ouest et de l’Est de l’Île, se heurtant violemment dans une forme triangulaire.
Nous nous asseyons dans cet écrin pour observer le coucher de Soleil, tableau se déroulant lentement sous le son de l’eau se brisant sur les rochets. Un montage de douceur et de violence.
Des pêcheurs
Jour 11
Le Chemin du Corail Blanc
Ce nom n’est pas officiel, car ce « sentier » n’est pas sur les cartes et semble être seulement connu des locaux.
Trouver le début du sentier n’est pas une tâche aisée dans ce voisinage. « Droite, gauche, puis descendez jusqu’au panneau qui indique le cul-de-sac, gauche, et cherchez une maison qui ressemble à ça (oh, attention aux chiens méchants qui sont souvent non-attachés) et cherchez à l’opposé un creux dans le mur de roche après le fossé. »
Cherchons le début du sentier !
Mais la chasse en vaut la peine. Le « sentier », comment dire, n’est pas un sentier. Vous ne suivez pas un chemin creusé dans le sol par les autres randonneurs. Non. La route est indiquée par des petits morceaux de corail blanc placés ici et là dans le paysage de roche de lave noire. Petite aventure.
Une aventure dont vous êtes le héro/l’héroïne ! Vous seriez-vous perdu(e) ? Essayez de trouver et comptez les morceaux de corail blanc dans les prochaines photo. La réponse à la fin du chemin …
Le premier ! Petit bout de corail blanc sur la roche de lave noire.
Il y a plusieurs morceaux visibles dans cette image.
Nous avançons avec précaution, personne n’aimerait trébucher et tomber sur ce terrain pointu, aiguisé, en lame de rasoir. Les bouts de corail sont placés tous les 60~150 m, ce qui rend le chemin non évident pour l’œil commun, mais identifiable pour ceux qui le cherchent.
Quelques « chèvres de montagne » (ici ?) courent autour d’une cheminée volcanique large et profonde, et continuent en sautant par dessus de larges fissures dans le sol …
Une cheminée. Au milieu de l’image, une sorte de chèvre.
Constructions naturelles fabuleuses.
On arrive à la plage !
Il y avait 10 morceaux de corail. Bravo ?!
Pohue Bay Beach
Après une marche d’une heure et quarante-cinq minutes, 5,4 km, le chemin meurt à l’entrée d’une petite plage isolée, Pohue Bay Beach. L’endroit est en fait sous protection gouvernementale, résidence de nids de tortues. Nous pouvons en voir à peu près une douzaine, protégés par des barrières en clôtures de fil de fer. La personne en charge (nous avons repéré le véhicule de l’agence) nous voit et, probablement après avoir décidé que nous ne sommes pas une menace pour le lieu, le quitte et remonte à sa cabane. Une plage de sable blanc de 100 mètres, palmiers-cocotiers, et une petite crique dans laquelle nous pouvons nager. Nous sommes tombés à court d’eau sur le sentier, et nous remettons notre salut à mon habileté à ouvrir des noix de coco fraîches. Elles sont difficiles à atteindre, tout en haut des palmiers, mais notre volonté –et soif– triomphent.
Pas de couteau, d’outil. Je m’en remets donc à utiliser … un bout de roche de lave aiguisé pour ouvrir les noix de coco.
La récompense : l’eau de coco la plus fraîche et délicieuse jamais goûtée ! Descendue tout droit du palmier. Si bon !
Quatre noix de coco plus tard, un peu de nage et de repos, nous repartons sur le sentier pour remonter à notre petite maison temporaire.
Fatigués, mais notre soif d’aventure a été comblée pour aujourd’hui.
Demain, la route nous mènera à d’autres découvertes dans l’Est de l’Île.