Après le Salkantay Trek, l’émerveillement devant le Machu Picchu, après la reposante beauté et simplicité d’Isla del Sol et du Lac Titicaca, après la bruyante capitale La Paz et les sensations fortes à bord de précipice sur la Death Road, nous sommes arrivés… quelque part. Notre bus nous a déposé sur le petit trottoir d’une route poussiéreuse, dans ce qui semble être une ville fantôme.
Nous sommes maintenant au milieu de nulle-part, de nuit, dans un froid qui nous transit jusqu’aux os.
5 juin 2012,
Cafés à Uyuni. Salar de Uyuni, première journée
5:40.
Apparemment, nous sommes bien à Uyuni. Rien ne l’indique à proprement parler, mais le bus est maintenant vide et tout le monde s’est évaporé. J’espère que nous sommes bien arrivés !
Julien sort son guide de la Bolivie, cherche le nom de la ville, et nous présente une petite carte. Nous essayons de nous repérer, en vain. Il y a apparemment UNE rue importante, près de la gare. Mais où est la gare ? Nous marchons droit devant, histoire de tomber sur une intersection qui serait indiquée sur le plan. Nous trouvons après quelques minutes. Gauche. Gauche encore. Marche arrière. Nous n’avons aucune idée de notre position. Gauche encore. Nous sommes quasiment revenu à notre point de départ. Une grande boucle de 30 minutes dans le froid. Interminable. Épuisés. Engourdis. Une petite tension commence à monter.
Finalement, nous tombons par hasard sur une petite tente en plein milieu de l’intersection entre Av. Arce et Peru. Une dame est ici, avec une petite échoppe de fortune. Une petite bouilloire, de l’eau chaude et du café. CAFÉ ! 2 Bs. (~ 0,22 € / $ 0,28). Le réconfort a un petit prix.
Une autre dame avance vers nous et commence à nous parler. Apparemment, elle possède une agence de voyage et propose l’excursion que nous cherchons. Parfait !
7 h 30.
Nous entrons chez elle, je prends un autre café avant d’aller m’asseoir sur un de ses fauteuils et prendre quelques couvertures qui trainent là pour me réchauffer (il faudra 45 minutes de boissons chaudes et d’emmitouflage pour que je commence à me sentir mieux…).
Description du tour, nous expliquons que nous ne voulons pas la boucle mais l’arrêt au bout du parcours, à la frontière… tout semble OK. Elle s’absente, nous regardons tout autour de nous les feuilles A4 multicolores placardées au mur avec les recommandations des précédents voyageurs, dans toutes les langues, de toutes les origines, avec parfois le nom de l’agence remerciée gribouillée et remplacée par le nom de l’agence où nous sommes. Cela nous fait rire.
La dame revient, nous négocions un peu. Nous validons. YEAH ! Nous ne passerons pas la nuit suivante dans ce trou froid.
Nous attendons au chaud. 8 h 30, nous sortons, il fait maintenant jour, et nous avançons vers le « centre » de la ville. Rien de spécial au marché, mais nous faisons les quelques boutiques qui proposent des vêtements. Vu la nuit, et à la pensée des suivantes qui seront passées en plein désert, nous devons mieux nous équiper. La nuit, à Uyuni, la température est d’environ -13°C à ce moment de la saison.
Nous passons d’abord au bureau d’immigration car nous devons valider (3 jours en avance) notre sortie du pays. Sans cela, nous ne pourrons entrer au Chili ensuite. Puis nous achetons eau, cookies, barres de céréales : du réconfortant. Pull supplémentaire, gants, chaussettes… tout en alpaga, bien chaud et bien doux : du nécessaire.
Retour à l’agence.
11 h 10, notre chauffeur arrive, avec 40 minutes de retard. Nous nous mettons en route. Coin de rue suivant, premier arrêt, pour récupérer nos compagnons de voyage : Carolyn, Jenny et Felix.
Première destination :
Le cimetière de trains
GPS : -20.48196, -66.83809
Uyuni était autrefois la plateforme marchande centrale du Sud de la Bolivie, avec des voies ferrées allant jusqu’au Pacifique, en Argentine, et remontant jusqu’à La Paz, la capitale. Elle a été aussi hautement utilisée pour l’exploitation minière (de divers minerais. Par ailleurs, le Salar, juste à côté, renferme à lui seul 50 à 70% des ressources mondiales en Lithium, principal composant de certaines piles et batteries). En 1940, l’industrie minière locale s’est effondrée, les exploitants sont partis en laissant tout derrière eux, dont les trains utilisés pour le convoiement des marchandises. Rien n’a bougé depuis, et ce qui était autrefois une plateforme surexploitée est maintenant un cimetière.
Nous retournons à Uyuni, puis nous partons au Nord, jusqu’à l’entrée « touristique » du Salar.
Salar de Uyuni
Je vous en ai déjà parlé, mais entrons maintenant dans les détails. Le Salar de Uyuni est un ancien lac préhistorique, maintenant asséché et qui a laissé derrière lui ses sédiments salins. Le Salar est un désert de sel. Celui-ci, Salar de Uyuni, est le plus grand au monde, avec une superficie de 10 582 km² (plus grand par exemple que… le Liban – 10 452 km²). Il est situé à exactement 3 656 mètres d’altitude. « Exactement », car celui-ci a aussi la merveilleuse caractéristique d’être une des zones au monde les plus plates. Imaginez, sur toute sa surface, la plus grande différence d’altitude est de… moins d’un mètre. Complètement plat (j’ai d’ailleurs découvert dans mes recherches, astronome dans l’âme que je suis, que ce Salar est très souvent utilisé pour la calibration des altimètres des satellites en orbite).
En gros, ça promet ! Et comme la journée (et les suivantes) seront passées à rouler, rouler et rouler encore, je ne vous raconterai que les différents arrêts et les choses intéressantes .
C’est parti !
Colchani, village touristique du sel
GPS : -20.30121, -66.93783
Nous commençons notre visite du Salar par un petit arrêt à Colchani, village d’exploitants du sel, où vous trouverez… des boutiques souvenir (c’est pas à la fin généralement ?). Tout est à base de sel, du plus petit bibelot jusqu’à la plus grande statue de lama, sculptée dans un bloc, à taille réelle.
Exploitation de sel
GPS : -20.31399, -66.98384
Quelques mètres après le village, nous arrivons à l’endroit précis où se fait l’exploitation de Colchani. Rien d’industriel, aucune machine sur place, à part les camions qui font les aller-retours. Tout est fait à la force des bras, à la pelle : casser la croûte de sel, en faire des monticules, charger et expédier.
Selon les endroits, la croûte de sel peut varier d’une dizaine de centimètres (comme c’est le cas ici) à plusieurs mètres (plus au centre du Salar).
Isla Incahuasi
GPS : -20.242778, -67.625278
Une petite île de corail fossilisé, au milieu de nulle-part (je pense que je vais battre le record d’utilisation de cette expression), en plein désert de sel, Isla Incahuasi, aussi appelée Isla del Pescado (l' »île du poisson », allez savoir…).
C’est le lieu où nous prendrons notre lunch.
L’île est assez remarquable, car complètement recouverte de cactus géants, poussant à la vitesse d’un centimètre par année. Les plus grands mesurent maintenant… 12 mètres. Faites le calcul (1 200 ans, si vous êtes fainéant ou mauvais en maths).
Dans le désert
Juste après Isla Incahuasi, nous continuons notre traversée, toujours vers le Sud (c’est le but de ce Carnet de Voyage après tout), roulant sur cette énorme étendue salée.
Une marche solitaire au milieu du désert… Ça remet les choses en perspective.
… et puis par hasard on tombe sur des potes…
Plein Sud, juste avant de quitter le Salar. Ici, un lac salé, où la voiture s’enfonce dans l’eau comme dans des sables mouvants…
Campement à Agua Quisa
GPS : -20.56953, -67.64020
16 h 49, la journée se termine. Le Soleil est déjà bien bas, il est temps de rentrer se mettre au chaud.
Nous découvrons notre gîte, entièrement fait en blocs de sel : murs, lits, tables, tabourets… Fun !
Tout en sel !
Des sièges en pierres de sel
Home sweet home
Bon petit goûter, repas, puis nous jouons aux cartes avec nos amis. Nous apprenons aussi le jeu (comme nous pouvons), à une jeune fille d’ici… qui finira par nous mettre la pâtée, à chaque manche. La chance du débutant .
Le Soleil se couche…
On n’a jamais su son nom, elle n’a pas voulu le dire…
… mais pour sûr, elle nous a mis la pâtée !
19 h 10. Dernières photos à l’extérieur, puis c’est l’heure d’aller se coucher.
Jolie toile de fond pour un beau dodo non ?
6 juin 2012,
Désert Chuguana et Volcan Ollagüe, Laguna Hedionda, Laguna Honda, Désert de Siloli, Laguna Cañapa, Valle de Rocas, Laguna Colorada
Beaucoup de noms hein ! Oui, la journée va être chargée, et débute sur les coups de 6 heures du matin.
Petit lever de Soleil…
Holà!
L’auberge se réveille doucement…
Premier arrêt dans un village du nom de San Juan… Certains en profitent pour acheter des petits trucs dans la seule épicerie (du coup, touristique, du coup, chère), pendant que notre chauffeur est parti boire une bière avec ses amis (c’est ce que nous pensons…).
Désert Chuguana et Vocan Ollagüe
GPS : -21.36011, -68.02563
À une heure de notre camp, nous arrivons dans le désert de Chuguana, complètement entouré par les volcans. Certains dorment, d’autres sont éteints, et le Ollagüe, lui, est encore semi-actif (pas d’éruption récente, mais des fumeroles –signe d’activité– sont visibles sur son flanc).
Plus de sel. Ici, nous entrons dans le désert rocailleux.
Tout est sec, pas un animal, peu de vie…
… à part les touristes.
(Félix, notre compagnon de route)
Les lagunes Hedionda, Honda et Cañapa
GPS : -21.57131, -68.03620
Aaaah les lagunes ! Des petites perles bleues en plein milieu du désert. Des petits lacs, souvent plein de minéraux, de flore, et très souvent habités par des colonies de flamands roses.
Observez cette beauté !
Et premier arrêt, pour le lunch : Laguna Hedionda.
Au bord de la lagune…
… et si on regarde de l’autre côté, tout est complètement sec. Ces paysages sont vraiment surprenants.
On est pas en plein milieu de nulle-part ?
Oh ! Un flamand rose solitaire ! (tout seul sur cette lagune…)
C’est la fin du lunch !
Hahahaha . Le trio fantastique !
Quelques kilomètres plus au Sud, nouvel arrêt, au bord de Laguna Cañapa. Ici, joie du touriste, plein de flamands roses !
Et là, pas un, pas deux… PLEIN de flamands roses !
Et encore !
Et encore d’autres ! Tellement gracieux ces volatiles !
Activités réglementées… Ça en fait rire ! (Carolyn , une autre de nos compagnons de route)
Désert de Siloli, Valle de Rocas
GPS : -22.05173, -67.88312
Après les lagunes, la route continue et s’éloigne de toute présence d’eau. Nous grimpons sur un plateau volcanique, à 4 550 mètres.
Le désert de Siloli, désert le plus aride et le plus élevé au monde, connu pour ses formations rocheuses de lave (comme sorties de terre en plein milieu de… nulle-part) et son « Arbre de Pierre ».
On continue la route, dans la joie et la bonne humeur…
Décors surréels…
… et bienvenue sur… Mars !
Nous sommes donc sur Mars, et après quelques kilomètres de plus, nous arrivons dans la Valle de Rocas, vallée de formations rocheuses issues des éruptions des volcans de la région.
C’est surprenant.
Youpi !
Du sable, et des rochers volcaniques.
Voilà.
Et si vous voulez aller aux toilettes, bon courage !
Auto-portrait en astronaute
Le fameux « Arbre de Pierre ». On se demande comment il tient debout !
Laguna Colorada
GPS : -22.202, -67.773
Dernier arrêt de la journée : Laguna Colorada. Cette lagune, très distinctive par sa couleur, est protégée (partie de la réserve nationale de faune andine Eduardo Avaroa) : interdiction de descendre sur les rives.
60 km², 30 centimètres de profondeur seulement. Sa couleur rouge vient de certains de ses sédiments et des algues qu’on y trouve. C’est le lac préféré des flamands des Andes pour la reproduction. Intéressant n’est-ce pas ?!
Bleu, rouge, blanc. Les îles blanches sont des îles de borax (Na2B4O7•10H2O)…
Campement sur la Laguna Colorada
GPS : -22.26516, -67.81592
Et voilà, la deuxième journée touche à sa fin. Longues heures à naviguer en altitude, à se remplir les yeux de vues magnifiques, et à prendre le vent et le froid.
Nous sommes contents de rentrer nous mettre au… euh… froid, dans un hôtel frigorifique (non-chauffé, 4 400 mètres, désert…). Heureusement, le repas est chaud lui, tout comme la sensation apportée par les quelques bières achetées, et le vin offert pour cette dernière soirée.
On trinque !
Préparé comme jamais pour sortir faire des photos de nuits (la nuit précédente a été sympathique côté photo…), je me couvre de tous les vêtements que j’ai dans mes sacs, et je sors avec bonnet et gants (pas facile de faire des photos avec des gants, mais obligatoire ici…). Pas facile non plus de faire de la photo de nuit sans trépied, mais comme il faut voyager léger et que je suis débrouillard… je réussis à prendre quelques belles (?) photo de la toile située au dessus de nous. Admirez .
Et une petite séance nocturne dans le froid. Il est encore tôt, la Lune n’est pas là, le ciel est dégagé et très lumineux. J’adore !
Quelques dizaines de minutes plus tard, une lueur monte à l’Est… J’attends patiemment et capture pour la première fois… un lever de Lune… Magnifique.
Il est temps de rentrer dormir, habillé dans le sac de couchage et sous deux couvertures… Froid !
7 juin 2012,
Les geysers de Sol de Mañana, Désert de Salvador Dalí, Termas de Polques, Laguna Verde, frontière Chilienne
Bon matin !
Dernière journée de notre tour dans le Sud Bolivien. Aujourd’hui, nous descendrons jusqu’à la pointe Sud-Ouest du pays, pour passer la frontière et atteindre le Chili ! Mais avant, quelques dernières surprises nous attendent… Et pour ce faire la journée comment au lever du Soleil !
Geysers de Sol de Mañana
GPS : -22.43499, -67.75736
Quelques kilomètres de voiture au petit matin, encore à moité somnolent, et nous arrivons au sommet d’un volcan, à 5 000 m d’altitude. À vrai dire, « geysers » est le nom touristique, mais il n’y a pas de geysers à proprement parler. Ici, le terrain possède une activité volcanique intense, visible par les fumerolles et les sources bouillonnantes sulfureuses.
L’air est chaud, nauséabond (le soufre a une odeur très forte…). Le sol est un mélange de boue et de minéraux, très instable, très glissant et donc très dangereux.
C’est de la fumée… oui… mais pas que
On peut voir que le terrain est criblé de cratères bouillonnants. Faire attention !
L’air sort brûlant et sous très haute pression. Le bruit est intense, sensation d’avoir l’oreille collée à une cocotte-minute qui crache sa vapeur, et nous devons crier pour nous parler…
On se rapproche. Le sol brille. Attation, ça va glisser !
Un peu plus près des zones en ébullition… Ça fait « shplouack… shplouack… », ça sent fortement le souffre, à la limite de l’irrespirable, et c’est très chaud…
… pour ce plan, l’objectif de la caméra s’est obscurci de vapeur en… 2 secondes… Ça bout ici !
Attention, crevasse !
« shplouack… shplouack… »
Termas de Polques, sources chaudes de Laguna Chalviri
GPS : -22.535732, -67.649048
Après ces minutes passées près du chaud, nous reprenons la Jeep et nous descendons un peu plus bas… Ici, plus de bassins de souffre, mais de l’eau, riche en minéraux, qui sort directement du flanc du volcan.
5°C dehors, 35°C dedans… Il n’en faut pas plus pour oser se dévêtir et profiter d’un bain dans l’une des plus belles piscines naturelles au monde, coincée entre volcan et lagune (Laguna Chalviri).
Un petit bain avec la GoPro, forcément…
Et on profite entre potes
Un petit bassin, entre le flanc du volcan (derrière moi), et la lagune qui s’étend devant et quasiment à perte de vue…
Désert de Salvador Dalí
Juste le temps de se sécher et nous devons repartir. En direction de la frontière, nous traversons un des plus beaux déserts au monde, le désert Salvador Dalí, nommé ainsi parce qu’il ressemble aux décors des peintures surréalistes de… Dalí, bien sûr !
On continue vers le Sud…
… avec des cookies pour se remettre du bain…
… et l’appareil toujours à l’extérieur…
Hey!
Des paysages encore plus désertiques et surprenants…
… beauté simple et efficace…
… paysages simples mais marquants.
Laguna Verde, au pied du volcan Licancabur
GPS : -22.78816, -67.81974
Haaaaaa… Après trois jours, nous voici à notre dernier point avant la frontière. Notre voyage en Bolivie est déjà sur le point de se terminer.
Laguna Verde, dernière perle, dernier lac salé, lui offrant une teinte verte dû, je vous le donne en mille… au cuivre ! Eh oui. Il est à la limite avec le Chili, juste séparé par le volcan Licancabur, culminant à 5 930 mètres.
Les filles regardent leurs photos et se marrent… en Allemand. Nous, on pige rien…
Arrivée à Laguna Verde…
Laguna Verde
À la frontière
GPS : -22.880836, -67.798165
Derniers kilomètres et fin de la route pour notre groupe. Frontière Chilienne. D’ici, nous ne sommes aussi qu’à 63 kilomètres de la frontière avec l’Argentine, quasiment à l’extrême-Sud de la Bolivie.
C’est ici qu’on se dit au revoir ! Nos trois amis allemands retournent à Uyuni avec notre chauffeur. Nous, nous passerons la frontière.
Petite photo de groupe avant de se séparer.
Il faut attendre une navette qui nous amènera de l’autre côté… Du coup, photos !
Le volcan Juriques en fond, avec un sommet à 5 704 m.
C’est fermé… Le poste frontière est situé à 4 500 m, la ville Bolivienne la plus proche est à… 220 km à vol d’oiseau.
Du coup, on mange et on attend…
Et on prend le temps de passer la frontière à pied. Hop, de la Bolivie au Chili !
Quelques dizaines de minutes dans le vent et le froid, et notre navette arrive. Nous embarquons, et nous entrons au Chili sur les coups de 11 heures du matin…